Une Journée sur la scolarité
Riche d’apports et de réflexions
La journée de formation sur la scolarité organisée le 29 septembre a réuni à l’institut Val Mandé plus d’une centaine de participants, professionnels de la Fondation mais aussi partenaires de la protection de l’enfance, de l’Education Nationale et du secteur associatif, preuve d’une attente forte de réflexion sur la « question éducative ».
En introduction de la journée, Jean-Marc STEINDECKER, Président, tout en reconnaissant la dureté des contextes et l’amplification des difficultés, a insisté sur l’enjeu de favoriser la réussite scolaire afin de permettre à chaque jeune d’avoir sa place dans la société.
Après une présentation des actions développées par les différents établissements et services de la Fondation, la table ronde animée par Jean Pierre DEDONDER, Vice Président, ancien Recteur de l’Académie de Créteil, a permis de mettre en lumière les transformations majeures et de faire ressortir les défis à relever, notamment dans le soutien et l’accompagnement des jeunes les plus fragilisés. Plusieurs thématiques ont été abordées par les intervenants : le sens des savoirs que dispense l’école, l’autorité dont elle a besoin, sa place dans la société, les relations de l’école avec la famille, la diversité des dispositifs, le partenariat, etc.
A partir de leurs expériences respectives et après avoir rappelé le cadre des missions de prévention et de protection de l’enfance, Serge BURGHOFFER, Directeur des Jacquets et Annie LECULEE, Directrice du service de prévention Paris, ont insisté sur la nécessité de poser un cadre structurant pour les enfants et les adolescents, de préciser le sens donné aux projets et de rester « à sa juste place », en distinguant les espaces de l’école, de la famille et de l’environnement. En effet, il ne s’agit pas de se substituer à l’Education Nationale, ni même d’agir dans le seul domaine de la réussite scolaire mais d’apporter un soutien aux enfants et aux jeunes en prenant en compte la globalité de leurs difficultés. Ils nous ont aussi fait part de plusieurs préoccupations : la dureté de l’environnement social et économique des enfants et des adolescents, les phénomènes de rejet de l’école, l’absentéisme, l’importance du nombre de jeunes déscolarisés sortis très précocement du système scolaire, leur souffrance mais aussi celle de leurs parents. Annie LECULEE a insisté sur l’importance d’éviter la dispersion des énergies dans « l’empilement » des dispositifs afin de garder le sens de la mission éducative première.
Jean-Claude SAUVAGE, Directeur, responsable des établissements à la PJJ de l’Essonne, a présenté la diversité des réponses de la Protection Judiciaire de la Jeunesse en direction des jeunes qui leur sont confiés : partenariat avec l’Education Nationale dans le cadre de la réussite éducative, classes relais, actions diversifiées autour du sport, soutien éducatif en milieu carcéral…
Daniel CALIN, professeur de philosophie, psychopédagogue, nous a rappelé que les liens entre difficultés scolaires et sociales ne sont pas évidents d’où l’importance de ne pas étiqueter et enfermer l’enfant dans une catégorie. Bien au contraire, les écarts de perception sont des éléments d’ouverture pour l’enfant, il est judicieux de ne pas avoir un regard unique mais plutôt de cultiver nos désaccords…
Jean-Pierre BARATAULT, Inspecteur Education Nationale, conseiller technique auprès du Recteur d’Académie sur la question du handicap, connaissant bien les problématiques des élèves en rupture d’école, a insisté sur le rôle incontournable de la famille mais aussi de l’environnement. Les méthodologies de médiation mises en place dans le cadre d’un dispositif de soutien s’appuient sur une analyse systémique et la prise en compte des ressources des élèves, la priorité est de fédérer tout ce qui fonctionne et d’agir le plus tôt possible.
Bernard CHAMPAGNE, psychosociologue, à partir de différents travaux, notamment d’une étude réalisée par le Conseil Technique de la Prévention Spécialisée, fait le constat que si le projet de réussite éducative est partagé entre les enseignants et les parents, il ne l’est plus avec les adolescents. En effet, compte tenu des problèmes qu’ils rencontrent, ils ne croient plus que l’institution scolaire facilitera leur promotion sociale. Par ailleurs, l’équilibre entre l’élève adolescent et sa place dans la famille est difficile à tenir, les adolescents ont d’autres rôles à occuper dans le quartier. Il y a une tension entre le statut d’élève et le processus d’adolescence. Valoriser leurs ressources suppose de repérer et reconnaître leur ingéniosité.
Au regard des différents enjeux de l’Education : Scolarisation/Protection/Socialisation, l’Education Nationale ne peut appréhender seule ces trois fonctions, d’où l’importance des coopérations avec d’autres acteurs (partenariat avec les collectivités locales, les associations…).
Bénédicte MADELIN, Directrice du centre de ressources Profession Banlieue situé à Saint-Denis nous a rappelé que la naissance de la réussite éducative est née de la prévention de la délinquance. Le plan Borloo a créé 750 équipes éducatives. Un travail mené en Seine-Saint-Denis dans le cadre du programme de réussite éducative, à partir de la question « Pourquoi certaines familles sont-elles signalées ?», montre que les familles signalées sont celles qui vivent dans des situations de précarité voire de survie, qu’elles n’ont plus de temps à consacrer à l’école. Elles ressentent fortement les inégalités sociales, considérant que leurs enfants n’ont pas le droit d’accéder aux écoles de la réussite, elles vivent dans « l’entre soi des pauvres ». Pour compléter l’analyse précédente sur l’échec scolaire, s’appuyant sur les travaux des chercheurs Bernard CHARLOT et Jean Yves ROCHEX, Bénédicte MADELIN rajoute qu’il n’y a pas de déterminisme, de causalité mais des corrélations. Ainsi les familles migrantes récentes rencontrent plus de difficultés.
Maryse ESTERLE-HEDIBEL, sociologue, maître de conférences à l’IUFM du Pas-de-Calais fait plusieurs constats à partir de ses études sur le décrochage et l’absentéisme scolaire. Hormis les cas rares de troubles psychopathologiques, elle note que ces phénomènes sont multifactoriels : un contexte marqué par les inégalités sociales, la perte de sens de leur présence à l’école pour des élèves qui sont en difficulté depuis très longtemps, les orientations, la transmissions des savoirs qui s’appuie peu sur la capacité d’expression orale, peu valorisée à l’école…
Par ailleurs, les enseignants travaillent peu en équipe, ils sont très isolés pour gérer les différentes situations, notamment le lien entre le collectif et l’individuel, ils doivent bénéficier de formations.
Ce qui les différencie des éducateurs de prévention spécialisée qui ont des possibilités différentes : accueil, écoute, relation, ce qui leur permet d’assurer un soutien, une médiation entre les enfants et la société dans laquelle ils devront trouver leur place.
Après quelques questions et des échanges autour d’un repas, le travail en atelier s’est poursuivi l’après-midi dans 4 ateliers animés par des professionnels de la Fondation ainsi que par Isabelle BROCHARD, principale du collège Robert DOISNEAU à Paris et Santiago SERRANO, responsable de la Mission Départementale des conduites à risques au Conseil général de Seine-Saint-Denis. Cela a permis de croiser les points de vue et de conforter les participants dans la nécessité d’agir, en investissant dans l’écoute et l’accompagnement des jeunes et de leurs parents.
Maryse ESTERLE-HEDIBEL et Bernard CHAMPAGNE nous ont donné quelques pistes de réflexion et nous ont conseillé de poursuivre nos actions en respectant les fondamentaux de l’action éducative : se hâter lentement…
Jean-Marc STEINDECKER a remercié l’ensemble des intervenants et des participants à cette journée et nous a invités à poursuivre cette réflexion afin de mettre en place des pratiques toujours mieux adaptées.